Le 30 juin 2025, avec la publication du National Security Presidential Memorandum-NSPM-5[i] , le président Trump a annoncé -selon ses propres termes- une politique la plus stricte à l'égard de Cuba. La presse internationale confirme cela dans des articles intitulés ‘Trump tightens US policy on Cuba’[ii] (BBC) et ‘Trump tees up tougher policy towards Cuba’[iii] (Politico).
Une nouvelle asphyxie du peuple cubain
Le document politique NSPM-5 réaffirme la politique de sanctions sévères à l'encontre de Cuba mise en place par le président Trump lors de son premier mandat. À l'époque, Trump avait imposé pas moins de 243 nouvelles sanctions à l'île, la politique la plus sévère depuis que Kennedy avait interdit le commerce avec Cuba en février 1962.
A cela, Trump ajoute de nouvelles mesures. Cuba figure à nouveau sur la liste des États soutenant le terrorisme, ce qui a pour conséquence immédiate de dissuader les autorités et les entreprises étrangères de faire des affaires avec La Havane. Une nouvelle ordonnance vise à restreindre les transferts d'argent via Western Union et de nouvelles restrictions sont imposées au secteur touristique en augmentant le nombre d'hôtels interdits aux voyageurs américains.
En outre, le ministère des Affaires étrangères américain prévoit d'imposer des sanctions aux pays qui invitent des brigades médicales cubaines.
Il nous faut considérer ces mesures dans le contexte d’un blocus économique, financier et commercial à l’encontre de Cuba qui dure déjà depuis plus de 60 ans. Les pertes engendrées par cette situation se chiffrent au total à près de 164 milliards de dollars. Entre mars 2023 et février 2024, le blocus a coûté à Cuba 5 milliard de dollars.
Ce blocus, qui dure depuis très longtemps, a privé l'économie cubaine de tout oxygène, avec des conséquences désastreuses. Cuba est désormais confrontée à des parcs de machines usées et des entreprises obsolètes. L'une des conséquences en est que les Cubains doivent désormais vivre avec des coupures de courant pénibles et la capacité de production diminue de manière spectaculaire dans presque tous les secteurs. En raison de l'embargo sur les importations de pétrole, les chaînes d'approvisionnement internes et les transports publics sont paralysés. Les soins de santé accessibles pour tous et de renommée internationale, de même que l’enseignement sont sous pression. Il n’est dès lors pas étonnant que beaucoup de jeunes perdent leur perspective d’avenir et souhaitent émigrer. Après plus de 60 ans de blocus, Cuba est face à la plus grande crise depuis l’invasion des Etats Unis. Le Président Trump a comme plan de resserrer davantage l’étau et d’augmenter l'asphyxie de Cuba.
Un changement de régime reste l’objectif final de la politique des Etats-Unis.
Pour assurer la sécurité des Etats-Unis, la note politique du président Trump cite l’objectif suivant : « Je m'efforcerai de créer un pays stable, prospère et libre pour le peuple cubain. Pour y parvenir, nous devons canaliser les fonds vers le peuple cubain, en dehors d'un régime qui n'a pas réussi à satisfaire aux exigences les plus élémentaires d'une société libre et juste ”[iv]» . Cela résonne comme un argument de défense des droits humains mais ce n’est pas crédible. Le rapport entre le soi-disant souci d'un Cuba libre et juste et la sécurité nationale des États-Unis n’est pas clair.
En outre, nous savons que l'argumentation américaine pour justifier le blocus a évolué au fil des ans, passant de mesures de rétorsion contre les nationalisations à la lutte contre la propagation du communisme, puis à la défense des droits de l'homme.
Une autre analyse plus crédible montre que le blocus américain contre Cuba constitue une des plus grandes violations des droits humains du peuple cubain. Le blocus prive Cuba des ressources financières qui sont vitales pour le développement économique et social du pays et de sa population.
Extraterritorialité et sanctions indirectes : dissuasion et sanctions
Le mémorandum confirme le droit que s'arroge les États-Unis d'appliquer leurs lois nationales en matière de sanctions aux entreprises étrangères ayant des intérêts aux États-Unis. Et c'est ce que font les États-Unis.
Demandez donc à BNP-Paribas et ING, qui se sont déjà vu infliger des amendes de plusieurs millions d'euros par le passé. Depuis lors, pratiquement toutes les banques belges et européennes appliquent une interdiction stricte sur les transactions financières qui ont le moindre rapport avec Cuba. De ce fait, les ONG et les groupes de solidarité ne peuvent même pas transférer des fonds destinés à l'aide humanitaire à Cuba. Les étudiants cubains qui viennent en Belgique dans le cadre de la coopération universitaire internationale VLIR ne peuvent pas ouvrir de compte pour recevoir leur bourse. Les Belges qui séjournent longtemps à Cuba voient leur compte bancaire fermé. En bref, nos banques appliquent le blocus américain contre Cuba, ce qui constitue une violation flagrante de la réglementation européenne (voir notre dossier “ Les banques belges refusent les versements liés à Cuba[v]”) .
L’OFAC - le département du Trésor américain chargé de contrôler le respect des lois sur les sanctions- continue quant à lui d'infliger des amendes sans relâche. À titre d'exemple, en
février dernier, Key Holding[vi] s'est vu infliger une amende de 608 825 dollars parce qu'une de ses filiales en Colombie gérait la logistique des expéditions de fret vers Cuba.
Le but est clair, punir et effrayer. Quelles sont les entreprises qui voudraient encore investir à Cuba avec de telles menaces ? Ce pays fait pourtant tout son possible pour attirer les investisseurs étrangers. Lorsque Obama a entrouvert la porte à la coopération avec Cuba, des dizaines d'entreprises américaines se sont immédiatement déclarées prêtes à nouer des relations commerciales avec Cuba. La note politique de Trump bloque complètement cette coopération.
[i] https://www.whitehouse.gov/presidential-actions/2025/06/national-security-presidential-memorandum-nspm-5/
[ii] https://www.bbc.com/news/articles/cx24468drd1o
[iii] https://www.politico.com/news/2025/06/30/trump-policy-cuba-00434496
[iv] https://www.whitehouse.gov/presidential-actions/2025/06/national-security-presidential-memorandum-nspm-5/
[v] https://nonaublocus.be/sites/default/files/2025-03/Dossier%202024%20Banques%20belges%20refusent%20des%20paiements.pdf